Récupérer une voie ferrée désaffectée pour en faire une piste multifonctionnelle et permettre aux résidents et aux touristes de profiter des attraits d’une région autrement, voilà un projet novateur qui s’est concrétisé pour une première fois au Québec, ici, dans les Cantons-de-l’Est. En effet, c’est ainsi que la piste l’Estriade a été créée à la suite d’un effort de concertation important de plusieurs municipalités au début des années 1990.
Les balbutiements de cette grande aventure ont débuté quelques années auparavant. Le 7 décembre 1984, le Comité d’embellissement et de protection du lac Waterloo lance l’idée de développer une piste multifonctionnelle. Après avoir obtenu l’aval des municipalités de Bromont, Granby, Shefford et Waterloo, les démarches pour acquérir l’emprise de chemin de fer du Canadien National (CN) sont entamées en 1985. Le potentiel du projet a un effet rassembleur et amènent les municipalités à se pencher concrètement sur son développement à long terme. Elles créent un groupe de travail qui a pour mission de réaliser une étude de faisabilité du projet de piste multifonctionnelle.
En avril 1990, le groupe présente les résultats de son étude aux municipalités. Le projet de piste multifonctionnelle prend son envol. Les résultats de l’étude démontrent les multiples atouts que représente le projet pour la région notamment le transport actif, le loisir et le tourisme.
Les travaux débutent avec le souci de conserver le côté patrimonial de la piste et de rappeler le passé industriel de la région. Les concepteurs récupèrent l’ancien matériel de chemin de fer pour aménager différents sites le long de la piste. À Granby, on construit une halte routière à la Place de la Gare en s’inspirant des plans de l’ancienne gare du CN. À Waterloo, on récupère un wagon de queue, une caboose, et on l’aménage en bloc sanitaire. À mi-chemin entre ces deux accès, un autre bâtiment est érigé, le Relais des cheminots. Son architecture rappelle les petites gares qui parsemaient les villages québécois à l’époque des chemins de fer. Les trois endroits ont toujours ce cachet vieillot qui fait leur charme.
La piste multifonctionnelle asphaltée est inaugurée le 6 octobre 1991 en présence de nombreux dignitaires de partout au Québec.
Le succès de la piste ne se fait pas attendre. Les citoyens de la région font de l’Estriade un lieu de prédilection pour pratiquer le vélo et le patin à roues alignées. Bientôt, des visiteurs des quatre coins du Québec y convergent. L’engouement pour l’Estriade inspire d’autres régions qui souhaitent, à leur tour, donner une nouvelle vocation à leurs voies ferrées désaffectées.
Source: Fonds La Voix de l'Est, photo Alain Dion, Société d'histoire de la Haute-Yamaska.
La Montérégiade
Deux ans après l’inauguration de l’Estriade, le CN annonce son intention de démanteler d’autres voies ferrées au Québec, dont celle reliant Granby à Farnham. D’un commun accord, les six municipalités choisissent de se porter acquéreurs de la voie ferrée sur leur territoire respectif. Avec le support d’un groupe de bénévoles, le Comité Pro-piste, une deuxième piste cyclable intermunicipale, cette fois-ci sur poussière de roche, voit le jour.
La Campagnarde
En 1994, le Canadien Pacifique annonce, à son tour, son intention de se départir de certaines voies ferrées. L’organisme Les sentiers de motoneiges Trans-Québec Inc. se porte acquéreur d’une voie ferrée désaffectée reliant Drummondville et Foster.
Des citoyens bénévoles se regroupent au sein de l’Association cycliste Foster-Drummond et conviennent avec les nouveaux propriétaires d’un bail de location de 25 ans afin de pouvoir aménager un troisième tronçon de réseau cyclable de 70 km dans l’axe nord-sud qui s'étend de Drummondville à Waterloo, en passant en périphérie du Parc national de la Yamaska, un lieu prisé pour sa plage. La première phase des travaux débute en 1995 et elle permet de relier Acton Vale jusqu'au Parc national de la Yamaska. Les travaux sont exécutés jusqu'à Waterloo l’année suivante.
La Granbyenne et le Parc régional de La Haute-Yamaska
Dans la foulée du développement du réseau cyclable, la MRC de La Haute-Yamaska se dote d’un véritable concept de corridors verts pour son territoire avec pour objectif d’intégrer le Parc national de la Yamaska à l’offre récréotouristique régionale. Par cette orientation, la MRC vise à faire découvrir le Parc national à la population yamaskoise et à y diversifier les activités économiques qui, à l’époque, ne reposaient que sur le concept de la plage. En 1995, il est proposé de développer un tronçon cyclable permettant de relier l’Estriade avec le Parc national de la Yamaska, en traversant d’abord le Centre d’interprétation de la nature du lac Boivin, puis en longeant les berges de la rivière Yamaska Nord.
La MRC de La Haute-Yamaska a acquis les immeubles en bordure de rivière et construit entièrement le tronçon de 3,9 km jusqu’à l’entrée du Parc national. De son côté, la Ville de Granby a construit un tronçon adjacent dans les limites du Centre d’interprétation de la nature pour faire la jonction avec l’Estriade.
La Route des champs
Quelques années plus tard, en 2003, une autre voie ferrée désaffectée du CN permet à la région d’étendre son réseau cyclable. Bien que cette voie ferrée a été récupérée par le gouvernement du Québec, la MRC de La Haute-Yamaska signe un bail de location de 60 ans lui permettant d’utiliser cet emplacement à des fins d’activités de loisir, de sport et de plein air et à y réaliser des aménagements à cette fin.
Dès l’année suivante, les travaux débutaient entre la rue des Oliviers à Granby et la limite ouest de la municipalité d’alors, soit celle du canton de Granby. Par la suite, un tunnel a été ajouté sous la route 139 afin de prolonger la piste jusqu’à la rue Simonds Sud dans la ville de Granby. Cette piste cyclable est maintenant totalement asphaltée sur le territoire de la MRC depuis 2009.
Aujourd’hui, le parcours de la Route des champs se prolonge vers l’ouest dans les MRC de Rouville et de la Vallée-du-Richelieu. Elle couvre maintenant une distance de 40 km et joint la municipalité de Chambly.